L’amende forfaitaire délictuelle doit être censurée par le Conseil Constitutionnel
Dans un argumentaire détaillé de dix pages, les organisations démontrent auprès du Conseil constitutionnel que l’extension de l’amende forfaitaire au délit d’usage de stupéfiants porte une atteinte disproportionnée aux principes constitutionnels : de séparation des pouvoirs ; de séparation des autorités chargées de l’action publique et des autorités de jugement ; d’égalité devant la loi ; du droit à un procès équitable et à l’individualisation des peines ; et est contraire à l’objectif à valeur constitutionnelle d’accessibilité et l’intelligibilité de la loi.
A la suite de la saisine du Conseil constitutionnel par des parlementaires le 21 février, le Conseil constitutionnel a jusqu’au 21 mars 2019 pour rendre sa décision.
Les organisations ont déjà dénoncé en novembre dernier cette mesure à travers la parution d’un livre blanc inter-associatif. Pour le gouvernement, cette disposition a pour objectifs de renforcer une répression déjà unique en Europe et de faire des économies, ce dernier point restant à démontrer. Elle ne remet pas en cause le cadre légal en vigueur et ne constitue donc en rien une « dépénalisation ».
Alors que 84% des Français et de nombreux experts jugent inefficace la législation actuelle, notamment concernant le cannabis, cette mesure passe à côté des véritables enjeux auxquels nous sommes collectivement confrontés en matière de drogues, et plus particulièrement d’accès aux droits et à la santé des personnes concernées.
Les organisations signataires représentent la société française dans sa diversité (policiers, avocats, magistrats, usagers, consommateurs, citoyens, médecins, professionnels du secteur médico-social, acteurs communautaires)
AIDES ; ASUD (Autosupport des usagers de drogues) ; Cannabis sans frontières ; CIRC (Collectif d’information et de recherche cannabique) ; FAAAT (For Alternative Approaches to Addiction, Think & do tank) ; Fédération Addiction ; GRECC (Groupe de recherche et d’études cliniques sur les cannabinoïdes) ; Ligue des droits de l’Homme ; Médecins du Monde ; NORML France ; OIP (Observatoire international des prisons) – Section française ; collectif Police Contre la Prohibition ; Principes Actifs ; Psychoactif ; SOS Addictions ; Syndicat de la Magistrature ; Syndicat SUD-Intérieur – Union syndicale Solidaires ; Techno+
• Le communiqué ►
• La lettre au Conseil Constitutionnel ►
Dix-neuf organisations demandent au Conseil des Sages de censurer l’article 58 de la loi de programmation 2018-2022 de réforme pour la justice qui est contraire à la Constitution. Cet article prévoit que le délit d’usage de stupéfiants peut désormais faire l’objet d’une amende forfaitaire délictuelle de 200€.
Quand d’autres pays font évoluer leur législation - non pas par idéologie, mais sur la base de constats et de réflexions partagées entre professionnels de tous secteurs - la France persiste dans l’immobilisme. Pire, elle ajoute à son arsenal répressif un dispositif supplémentaire, celui de l’amende forfaitaire délictuelle, qui loin de "simplifier" quoi que ce soit, enfonce un peu plus la politique des drogues dans la prohibition et tous ses travers.
Sous prétexte d’harmoniser la réponse pénale et d’éteindre rapidement l’action publique, cette amende sera un appel d’air à la politique du chiffre. Elle compliquera l'action des forces de l'ordre par une exigence accrue de "résultats", au prix d'un surplus de tensions et d’hostilité réciproque, dans les quartiers qu'on leur demande - selon les mots du ministre - de "reconquérir".
Aux policiers et gendarmes, outre le fait de leur déléguer une répression en échec total, discriminante, couteuse en temps de travail et en argent public, sera confiée la responsabilité surréaliste d'identifier les usagers "problématiques" pour leur appliquer la procédure normale, alors qu'ils n’ont aucune compétence pour ce genre de diagnostic.
Cette amende visera la population jeune, issue de l’immigration, socialement vulnérable et peu solvable, et s’appliquera à tous les usagers de drogue, de manière indifférenciée et sans recours au juge, nonobstant une mention au casier judiciaire, bottant en touche et reniant le prétexte sanitaire de la loi dans laquelle elle s’inscrit.
Il est plus juste de parler de répression des usagers de stupéfiants, que de répression de l’usage de stupéfiants.
Pour toutes ces raisons le collectif PCP, favorable à la dépénalisation de l'usage des drogues, a joint ses convictions et sa réflexion à celles d'organisations antiprohibitionnistes, pour collectivement saisir le Conseil constitutionnel.